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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 10.djvu/181

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LA NOUVELLE JOURNÉE

fut peiné de l’importance excessive qu’elle attachait aux conventions.

Elle partit. Elle avait laissé sa fille chez Colette. Elle ne tarda pas à se sentir terriblement isolée, parmi ces malades qui ne parlaient que de leur mal, dans cette nature sans pitié, dressant son visage impassible au-dessus des loques humaines. Pour fuir le spectacle déprimant de ces malheureux qui, le crachoir à la main, s’épient les uns les autres et suivent sur chacun d’eux les progrès de la mort, elle avait quitté le Palace hôpital et loué un chalet où elle était seule avec son petit malade. Au lieu d’améliorer, l’altitude aggravait l’état de Lionello. La fièvre était plus forte. Grazia passa des nuits d’angoisses. Christophe en ressentait au loin l’intuition aiguë, quoique son amie ne lui écrivit rien : car elle se raidissait dans sa fierté ; elle eût souhaité que Christophe fût là ; mais elle lui avait interdit de la suivre ; elle ne pouvait consentir à avouer maintenant : « Je suis trop faible, j’ai besoin de vous… »

Un soir qu’elle se tenait sur la galerie du chalet, à cette heure du crépuscule si cruelle pour les cœurs angoissés, elle vit… elle crut voir sur le sentier qui montait de la station du funiculaire… Un homme marchait, d’un pas précipité ; il s’arrêtait, hésitant, le dos