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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 10.djvu/76

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LA FIN DU VOYAGE

tion des âmes était surtout pour Christophe. On a souvent observé qu’en amour, le plus faible des deux est celui qui donne le plus : non que l’autre aime moins ; mais plus fort, il faut qu’il prenne davantage. Ainsi, Christophe s’était enrichi déjà de l’esprit d’Olivier. Mais son nouveau mariage mystique était bien plus fécond : car Grazia lui apportait en dot le trésor le plus rare, que jamais Olivier n’avait possédé : la joie. La joie de l’âme et des yeux. La lumière. Le sourire de ce ciel latin, qui baigne la laideur des plus humbles choses, qui fleurit les pierres des vieux murs, et communique à la tristesse même son calme rayonnement.

Elle avait pour allié le printemps renaissant. Le rêve de la vie nouvelle couvait dans la tiédeur de l’air engourdi. La jeune verdure se mariait aux oliviers gris d’argent. Sous les arcades rouge sombre des aqueducs ruinés, fleurissaient des amandiers blancs. Dans la Campagne réveillée ondulaient les flots d’herbe et les flammes des pavots triomphants. Sur les pelouses des villas coulaient des ruisseaux d’anémones mauves et des nappes de violettes. Les glycines grimpaient autour des pins parasols ; et le vent qui passait sur la ville apportait le parfum des roses du Palatin.