Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 10.djvu/91

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Le cœur lui faisait mal, quand il arriva à Paris. C’était la première fois qu’il y rentrait, depuis la mort d’Olivier. Jamais il n’avait voulu revoir cette ville. Dans le fiacre qui l’emportait de la gare à l’hôtel, il osait à peine regarder par la portière ; il passa les premiers jours dans sa chambre, sans se décider à sortir. Il avait l’angoisse des souvenirs, qui le guettaient, à la porte. Mais quelle angoisse, au juste ? S’en rendait-il bien compte ? Était-ce, comme il voulait croire, la terreur de les voir ressurgir, avec leur visage vivant ? Ou celle, plus douloureuse, de les retrouver morts ?… Contre ce nouveau deuil, toutes les ruses à demi inconscientes de l’instinct s’étaient armées. C’était pour cette raison — (il ne s’en doutait peut-être pas) — qu’il avait choisi son hôtel dans un quartier éloigné de celui qu’il habitait jadis. Et quand, pour la première fois, il se promena dans les rues, quand il dut diriger à la salle de concerts ses répétitions d’orchestre,

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