Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 2.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
le matin

— Franz.

Otto attendit une réflexion de Christophe ; mais celui-ci semblait n’avoir pas entendu : il taillait une baguette dans un noisetier. Otto reprit :

— Il est amusant. Il sait toujours des histoires.

Christophe siffla négligeamment.

Otto surenchérit :

— Et il est si intelligent… et distingué !…

Christophe haussa les épaules, avec l’air de dire :

— Quel intérêt cet individu peut-il bien avoir pour moi ?

Et comme Otto, piqué, se disposait à continuer, il lui coupa brutalement la parole, et lui assigna un but pour y courir.

Ils ne touchèrent plus à ce sujet de tout l’après-midi ; mais ils se battaient froid, tout en affectant une politesse exagérée, inaccoutumée entre eux, surtout de la part de Christophe. Les mots lui restaient dans la gorge. Enfin il n’y tint plus, et, au milieu du chemin, se retournant vers Otto qui suivait à cinq pas, il lui saisit les mains avec impétuosité, et se débonda d’un coup :

— Écoute, Otto ! Je ne veux pas, je ne veux pas que tu sois si intime avec Franz, parce que… parce que tu es mon ami ; et je ne veux pas que tu aimes quelqu’un mieux que moi ! Je ne veux pas ! Vois-tu,

99