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Jean-Christophe

tenant sur leurs genoux, madame de Kerich un ouvrage, et sa fille un livre, dont elle faisait la lecture, lorsque Christophe entra. Elles échangèrent, en le voyant, un coup d’œil malicieux.

— Elles me reconnaissent, pensa Christophe, tout penaud.

Il s’épuisait à faire de gauches révérences.

Madame de Kerich sourit gaiement, et lui tendit la main :

— Bonjour, mon cher voisin, dit-elle. Je suis contente de vous voir. Depuis que je vous ai entendu au concert, je voulais vous dire le plaisir que vous m’aviez fait. Et comme le seul moyen de vous le dire était de vous faire venir, j’espère que vous me pardonnerez de l’avoir employé.

Il y avait dans ces paroles aimables et banales tant de cordialité, malgré une pointe cachée d’ironie, que Christophe se sentit rassuré.

— Elles ne me reconnaissent pas, pensa-t-il, soulagé.

Madame de Kerich désigna sa fille, qui avait fermé son livre, et observait curieusement Christophe.

— Ma fille Minna, dit-elle, qui désirait beaucoup vous voir.

— Mais, maman, dit Minna, ce n’est pas la première fois que nous nous voyons.

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