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le matin

bler. Le lendemain, elle recommença. Christophe ne broncha pas : il bouillait de colère. Elle attendit un moment, puis dit d’un ton dépité :

— Voudriez-vous, je vous prie, ramasser mon mouchoir ?

Christophe n’y tint plus.

— Je ne suis pas votre domestique ! cria-t-il grossièrement. Ramassez-le vous-même !

Minna fut suffoquée. Elle se leva brusquement de son tabouret, qui tomba :

— Oh ! c’est trop fort, dit-elle, tapant rageusement sur le clavier ; et elle sortit furieuse.

Christophe l’attendit. Elle ne revint pas. Il avait honte de son action : il sentait qu’il s’était conduit comme un petit goujat. Aussi, il était à bout, elle se moquait de lui avec trop d’effronterie ! Il craignit que Minna ne se plaignît à sa mère et qu’il ne se fût aliéné pour toujours l’esprit de madame de Kerich. Il ne savait que faire ; car s’il regrettait sa brutalité, pour rien au monde il n’eût demandé pardon.

Il revint à tout hasard le lendemain, quoiqu’il pensât que Minna refuserait de prendre sa leçon. Mais Minna, qui était trop fière pour se plaindre à personne, Minna, dont la conscience n’était pas d’ailleurs à l’abri de tout reproche, reparut, après s’être fait attendre cinq minutes de plus qu’à l’ordi-

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