Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 2.djvu/181

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Dès le matin, ils réussirent à se revoir au jardin, et ils se dirent de nouveau qu’ils s’aimaient ; mais déjà ce n’était plus la divine inconscience de la veille. Elle jouait un peu l’amoureuse ; et lui, quoique plus sincère, tenait aussi un rôle. Ils parlèrent de ce que serait leur vie. Il regretta sa pauvreté, son humble condition. Elle affecta la générosité, et elle jouit de sa générosité. Elle se disait indifférente à l’argent. Il est vrai qu’elle l’était ; car elle ne le connaissait pas, ne connaissant pas son manque. Il lui promit de devenir un grand artiste ; elle trouvait cela amusant et beau, comme un roman. Elle crut de son devoir de se conduire en véritable amoureuse. Elle lut des poésies, elle fut sentimentale. Il était gagné par la contagion. Il soignait sa toilette : il était ridicule ; il surveillait sa façon de parler : il était prétentieux. Madame de Kerich le regardait en riant, et se demandait ce qui avait pu le rendre aussi stupide.

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