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Jean-Christophe

importance à cet amour d’enfants ; — mais Christophe ne le sentit pas ; et ces reproches, qu’il prit au tragique, comme il prenait toute chose, lui allèrent au cœur :

— Mais, madame… mais, madame… balbutia-t-il, les larmes aux yeux. Je n’ai jamais abusé de votre confiance… Ne le croyez pas, je vous en prie… Je ne suis pas un malhonnête homme, je vous jure !… J’aime mademoiselle Minna, je l’aime de toute mon âme, mais je veux l’épouser.

Madame de Kerich sourit.

— Non, mon pauvre garçon, dit-elle, avec cette bienveillance, si dédaigneuse au fond, qu’il allait enfin comprendre, non, ce n’est pas possible, c’est un enfantillage.

— Pourquoi ? Pourquoi ? demandait-il.

Il lui saisissait les mains, ne croyant pas qu’elle parlât sérieusement, rassuré presque par sa voix plus douce. Elle continuait de sourire, et disait :

— Parce que.

Il insistait. Avec des ménagements ironiques, — elle ne le prenait pas tout à fait au sérieux, — elle lui dit qu’il n’avait pas de fortune, que Minna avait d’autres goûts. Il protestait que cela ne faisait rien, qu’il serait riche, célèbre, qu’il aurait les honneurs, l’argent, tout ce que voudrait Minna. Madame de Kerich se montrait sceptique ; elle était amusée

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