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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 2.djvu/21

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le matin

comme il arrivait parfois, avec un sans-façon princier, le renvoyait en lui mettant une pièce d’or dans la main. Il était malheureux d’être pauvre, d’être traité en pauvre. Un soir, rentrant chez lui, l’argent qu’il avait reçu lui pesait si fort, qu’il le jeta en passant par le soupirail d’une cave. Et puis, immédiatement après, il eût fait des bassesses pour le ravoir ; car, à la maison, on devait plusieurs mois au boucher.

Ses parents ne se doutaient guère de ces souffrances d’orgueil. Ils étaient ravis de sa faveur auprès du prince. La bonne Louisa ne pouvait rien imaginer de plus beau pour son garçon, que ces soirées au château, dans une société magnifique. Pour Melchior, c’était un sujet de vanteries continuelles avec ses amis. Mais le plus heureux était grand-père. Il affectait bien l’indépendance, l’humeur frondeuse, le mépris des grandeurs ; mais il avait une admiration naïve pour l’argent, le pouvoir, les honneurs, toutes les distinctions sociales ; et c’était une fierté sans pareille pour lui de voir son petit-fils approcher ceux qui y participaient : il en jouissait, comme si cette gloire rejaillissait sur lui ; et malgré tous ses efforts pour rester impassible, son visage rayonnait. Les soirs où Christophe allait au château, le vieux Jean-Michel s’arrangeait toujours pour rester chez Louisa, sous un prétexte ou sous

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