Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 2.djvu/217

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Assis auprès du lit, veillant le dernier sommeil de Melchior, dont le visage avait pris maintenant une expression sévère et solennelle, il sentait la sombre tranquillité du mort entrer en lui. Sa passion enfantine s’était dissipée, comme un accès de fièvre ; le souffle glacial de la tombe avait tout emporté. Minna, son orgueil, son amour, et soi-même,… hélas ! quelle misère ! que tout était peu de chose auprès de cette réalité, la seule réalité : la mort ! Était-ce la peine de tant souffrir, de tant désirer, de tant s’agiter, pour en arriver là !…

Il regardait son père endormi, et il était pénétré d’une pitié infinie. Il se rappelait ses moindres actes de bonté et de tendresse. Car, avec toutes ses tares, Melchior n’était pas méchant, il y avait beaucoup de bon en lui. Il aimait les siens. Il était honnête. Il avait un peu de la probité intransigeante des Krafft, qui, dans les questions de moralité et d’honneur, ne souffrait pas de discussion, et qui n’eût jamais admis la moindre de ces petites saletés

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