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Malgré les embarras d’argent croissant avec l’intempérance et la fainéantise de Melchior, la vie fut supportable, tant que Jean-Michel fut là. Il était le seul qui eût quelque influence sur Melchior, et qui le retînt, dans une certaine mesure, sur la pente de son vice. Puis l’estime universelle dont il jouissait n’était pas inutile pour faire oublier les frasques de l’ivrogne. Enfin il venait constamment en aide au ménage à court d’argent. En outre de la modique pension qu’il touchait, comme ancien maître de chapelle, il continuait à récolter quelques petites sommes, en donnant des leçons et accordant des pianos. Il en remettait la plus grande partie à sa bru, dont il voyait la gêne, en dépit des efforts qu’elle faisait pour la lui cacher. Louisa se désolait, à la pensée qu’il se privait pour eux ; et le vieux y avait d’autant plus de mérite qu’il avait toujours été habitué à vivre largement, et qu’il avait de forts besoins. Quelquefois ces sacrifices n’étaient même pas suffisants ; et Jean-Michel devait, pour couvrir

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