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Jean-Christophe

genoux, le front ouvert ; et il continuait de répéter d’une voix suffoquée :

— Voleur !… Voleur qui nous voles, maman, moi !… Voleur qui vends grand-père !

Melchior, debout, leva le poing sur la tête de Christophe. L’enfant le bravait avec des yeux haineux, et il tremblait de rage. Melchior se mit à trembler aussi. Il s’assit et se cacha la figure dans ses mains. Les deux petits s’étaient sauvés, en poussant des cris aigus. Au vacarme succéda le silence. Melchior gémissait des paroles vagues. Christophe, collé au mur, ne cessait pas de le fixer, les dents serrées, tremblant de tout son corps. Melchior commença à s’accuser lui-même :

— Je suis un voleur ! Je dépouille ma famille. Mes enfants me méprisent. Je ferais mieux d’être mort ! Quand il eut fini de geindre, Christophe, sans bouger, demanda d’une voix dure :

— Où est le piano ?

— Chez Wormser, dit Melchior, n’osant pas le regarder.

Christophe fit un pas, et dit :

— L’argent !

Melchior, annihilé, tira l’argent de sa poche, et le remit à son fils. Christophe se dirigea vers la porte. Melchior l’appela :

— Christophe !

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