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le matin

Christophe s’arrêta. Melchior reprit, d’une voix tremblante :

— Mon petit Christophe !… Ne me méprise pas !

Christophe se jeta à son cou, et sanglota :

— Papa, mon cher papa ! Je ne te méprise pas ! Je suis si malheureux !

Ils pleuraient bruyamment. Melchior se lamentait :

— Ce n’est pas ma faute. Je ne suis pourtant pas méchant. N’est-ce pas, Christophe ? Voyons, je ne suis pas méchant ?

Il promettait de ne plus boire. Christophe hochait la tête, d’un air de doute ; et Melchior convenait qu’il ne pouvait pas résister, quand il avait de l’argent dans les mains. Christophe réfléchit, et dit :

— Sais-tu, papa, il faudrait…

Il s’arrêta.

— Quoi donc ?

— J’ai honte…

— Pour qui ? demanda naïvement Melchior.

— Pour toi.

Melchior fit la grimace, et dit :

— Cela ne fait rien.

Christophe expliqua qu’il faudrait que tout l’argent de la famille, même le traitement de Melchior, fût confié à un autre, qui remettrait à Melchior, jour par jour, ou semaine par semaine,

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