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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 3.djvu/67

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l’adolescent

pas, elle éprouva une douleur si intolérable, qu’elle faillit avoir une syncope ; la tête lui tournait. Elle crut qu’elle allait mourir, elle aurait voulu mourir, et, en même temps, elle voulait vivre de toutes les forces de son être, vivre pour le bonheur promis. Sa mère vint enfin, et toute la maison fut bientôt en émoi. Grondée suivant l’habitude, pansée, couchée, elle s’engourdissait dans le bourdonnement de sa douleur physique et de sa joie intérieure. Douce nuit… Les moindres souvenirs de cette chère veillée lui restèrent sacrés. Elle ne pensait pas à Christophe, elle ne savait pas ce qu’elle pensait. Elle était heureuse.

Le lendemain, Christophe, qui se croyait un peu responsable de l’accident, vint prendre de ses nouvelles ; et, pour la première fois, il lui témoigna une apparence d’affection. Elle en fut pénétrée de reconnaissance, et elle bénit son mal. Elle eût souhaité de souffrir, toute sa vie, pour avoir, toute sa vie, une telle joie. — Elle dut rester étendue plusieurs jours, sans bouger ; elle les passa à ressasser les paroles du grand-père, et à les discuter ; car le doute était venu. Avait-il dit :

— Cela fera…

Ou bien :

— Cela ferait… ?

Mais était-il même possible qu’il eût rien dit de semblable ? — Oui, il l’avait bien dit, elle en était certaine… Quoi ! Ils ne voyaient donc pas qu’elle était laide, et que Christophe ne pouvait la souffrir ?… Mais il était si bon d’espérer ! Elle en arrivait à croire qu’elle s’était peut-être trompée, qu’elle n’était pas aussi laide qu’elle croyait ; elle se soulevait sur sa chaise pour tâcher de se voir dans la glace accrochée en face, au-

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