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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 4.djvu/103

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la révolte

née. Ce ne furent pas de longs articles, des discussions suivies ; — (ils ne s’aventuraient pas volontiers sur ce terrain avec un adversaire mieux armé qu’eux : encore qu’un journaliste ait la faculté spéciale de pouvoir discuter, sans tenir compte des arguments de son adversaire, et même sans les avoir lus) ; — mais une longue expérience leur avait démontré que, le lecteur d’un journal étant toujours de l’avis de son journal, c’était affaiblir son crédit auprès de lui que faire même semblant de discuter : il fallait affirmer, ou mieux encore, nier. — (La négation a une force double de l’affirmation ; c’est une conséquence directe de la loi de la pesanteur : il est plus facile de faire tomber une pierre, que de la lancer en l’air.) — Ils s’en tinrent donc, de préférence, à un système de petites notes perfides, ironiques et injurieuses, se répétant, chaque jour, en bonne place, avec une obstination inlassable. Elles livraient au ridicule l’insolent Christophe, sans le nommer toujours, mais en le désignant d’une façon transparente. Elles déformaient ses paroles, de manière à les rendre absurdes ; elles racontaient de lui des anecdotes, dont le point de départ était vrai, parfois, mais dont le reste était un tissu de mensonges, habilement calculés pour le brouiller avec toute la ville, et, plus encore, avec la cour ; elles s’attaquaient même à sa personne physique, à ses traits, à sa toilette, dont elles traçaient une caricature, qui finissait par paraître ressemblante, à force d’être répétée.