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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 4.djvu/123

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la révolte

troupe de petit théâtre rhénan à une œuvre française ; et il se disait bien aise, avec un rire goguenard, en voyant ses amis partir pour le théâtre, de n’être pas forcé d’aller la réentendre. Il n’en suivit pas moins d’une oreille attentive, sans avoir l’air d’écouter, les récits enthousiastes de la soirée qu’ils firent, le lendemain : il enrageait de s’être enlevé jusqu’au droit de contredire, en ayant refusé de voir ce dont tout le monde parlait.

Le second spectacle annoncé devait être une traduction française d’Hamlet. Christophe n’avait jamais laissé une occasion de voir une pièce de Shakespeare. Shakespeare était pour lui, au même titre que Beethoven, une source inépuisable de vie. Hamlet lui avait été particulièrement cher dans la période de troubles et de doutes tumultueux qu’il venait de traverser. Malgré la crainte qu’il avait de se revoir dans ce miroir magique, il était fasciné par lui ; et il tournait autour des affiches du théâtre, sans s’avouer qu’il brûlait d’envie d’aller prendre une place. Mais il était déjà si entêté, qu’après ce qu’il avait dit à ses amis, il n’en voulait pas démordre ; et il fût resté chez lui, ce soir-là, comme le précédent, si, au moment où il rentrait mélancoliquement, le hasard ne l’avait mis en présence de Mannheim.

Mannheim l’attrapa par le bras, et lui raconta d’un air furieux, mais sans cesser de gouailler, qu’une vieille bête de parente, une sœur de son père, venait de tomber inopinément chez eux avec toute sa smala, et qu’ils étaient forcés de rester à la maison, pour les recevoir. Il avait essayé de s’esquiver ; mais son père n’entendait pas raillerie sur les questions d’étiquette familiale et d’égards que l’on doit aux ancêtres ; et comme il devait ménager son père, en ce moment, à cause d’une carotte qu’il se proposait de lui tirer, il avait fallu céder, et renoncer à la représentation.

— Vous aviez vos billets ? demanda Christophe.

— Parbleu ! une loge excellente ; et, pour comble, il faut que je l’aille porter — (et j’y vais, de ce pas) — à ce crétin de

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