Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 4.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Joie, fureur de joie, soleil qui illumine tout ce qui est et sera, joie divine de créer ! Il n’y a de joie que de créer. Il n’y a d’êtres que ceux qui créent. Tous les autres sont des ombres, qui flottent sur la terre, étrangers à la vie. Toutes les joies de la vie sont des joies de créer : amour, génie, action, — flambées de force sorties de l’unique brasier. Ceux même qui ne peuvent trouver place autour du grand foyer : — ambitieux, égoïstes et débauchés stériles, — tâchent de se réchauffer à ses reflets décolorés.

Créer, dans l’ordre de la chair, ou dans l’ordre de l’esprit, c’est sortir de la prison du corps, c’est se ruer dans l’ouragan de la vie, c’est être Celui qui Est. Créer, c’est tuer la mort.

Malheur à l’être stérile, qui reste seul et perdu sur la terre, contemplant son corps desséché et la nuit qui est en lui, dont nulle flamme de vie ne sortira jamais ! Malheur à l’âme qui ne se sent point féconde, lourde de vie et d’amour, comme un arbre en fleurs, au printemps ! Le monde peut la combler d’honneurs et de bonheurs : il couronne un cadavre.