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Jean-Christophe

Quelquefois, l’attente est vaine. L’orage se dissipe, sans avoir éclaté ; et l’on se réveille, la tête lourde, déçu, énervé, écœuré. Mais c’est partie remise : il éclatera toujours ; si ce n’est aujourd’hui, ce sera demain ; plus il aura tardé, plus il sera violent…

Le voici !… Les nuages ont surgi de toutes les retraites de l’être. Masses épaisses d’un bleu noir, que déchirent les saccades frénétiques des éclairs, ils s’avancent d’un vol vertigineux et lourd, cernant l’horizon de l’âme, et brusquement rabattant leurs deux ailes sur le ciel étouffé, éteignant la lumière. Heure de folie !… Les Éléments exaspérés, déchaînés de la cage où les tiennent enfermés les Lois qui assurent l’équilibre de l’esprit et l’existence des choses, règnent, informes et colossaux, dans la nuit de la conscience. On sent qu’on agonise. On n’aspire plus à vivre. On n’aspire plus qu’à la fin, à la mort qui délivre…

Et soudain, c’est l’éclair !

Christophe hurlait de joie.