ils ne sentent rien : ce sont des éponges. La véritable joie, ou la véritable douleur, — la force, — ne se distribue pas pendant des heures, comme la bière d’un tonneau. Elle vous prend à la gorge et vous terrasse ; et on n’a plus envie, après, d’absorber encore quelque chose : on a son compte !…
« Trop de musique ! Vous vous tuez et vous la tuez. Que vous vous tuiez, cela vous regarde, je n’y peux rien. Mais pour la musique, — halte-là ! Je ne permets pas que vous avilissiez tout ce qu’il y a de beau au monde, en mettant dans le même panier les choses saintes et les ignominies, en donnant, comme vous le faites couramment, le prélude de Parsifal entre une fantaisie sur la Fille du Régiment et un quartett de saxophones, ou un adagio de Beethoven flanqué d’un air de cake walk et d’une ordure de Leoncavallo. Vous vous vantez d’être le grand peuple musical. Vous prétendez aimer la musique. Quelle musique aimez-vous ? Est-ce la bonne ou la mauvaise ? Vous les applaudissez de même. À la fin, faites un choix ! Qu’est-ce que vous voulez, au juste ? Vous ne le savez pas vous-mêmes. Vous ne voulez pas le savoir : vous avez trop peur de prendre parti, de vous compromettre… Au diable votre prudence ! — Vous êtes au-dessus des partis, dites-vous ? — Au-dessus : cela veut dire au-dessous…
Et il leur citait les vers du vieux Gottfried Keller, le rude bourgeois de Zurich, — un des écrivains d’Allemagne qui lui était le plus chers par sa vigoureuse loyauté et son âpre saveur du terroir :
Wer über den Partein sich wähnt mit stolzen Mienen,
Der steht zumeist vielmehr beträchtlich unter ihnen.
(« Qui se flatte avec de fières mines d’être au-dessus des partis, celui-là bien plutôt reste incommensurablement au-dessous. »)
— « Ayez le courage d’être vrais, continuait-il. Ayez le courage d’être laids. Si vous aimez la mauvaise musique, dites-le franchement. Montrez-vous, voyez-vous tels que vous