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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

faite. Ils laissaient entendre à Christophe qu’il allait trouver là son chemin de Damas. Le spectacle était commencé qu’ils continuaient encore leurs commentaires. Christophe les fit taire, et écouta de toutes ses oreilles. Après le premier acte, il se pencha vers Sylvain Kohn, qui lui demandait, les yeux brillants :

— Eh bien, mon vieux lapin, qu’est-ce que vous en dites ?

Et il dit :

— Est-ce que c’est, tout le temps, comme cela ?

— Oui.

— Mais il n’y a rien.

Kohn se récria, et le traita de philistin.

— Rien du tout, continuait Christophe. Pas de musique. Pas de développement. Cela ne se suit pas. Cela ne se tient pas. Des harmonies très fines. De petits effets d’orchestre très bons, de très bon goût. Mais ce n’est rien, rien du tout…

Il se remit à écouter. Peu à peu, la lanterne s’éclairait ; il commençait à apercevoir quelque chose dans le demi-jour. Oui, il comprenait bien qu’il y avait là un parti pris de sobriété contre l’idéal wagnérien, qui engloutissait le drame sous les flots de la musique ; mais il se demandait, avec quelque ironie, si cet idéal de sacrifice ne venait pas de ce que l’on sacrifiait ce que l’on ne possédait pas. Il sentait dans l’œuvre la peur de la peine, la recherche de l’effet produit avec le minimum de