Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/103

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Il y avait pourtant à Paris, parmi les musiciens, quelques indépendants, dégagés de toute école. C’étaient les seuls qui intéressassent Christophe. Seuls, ils peuvent donner la mesure de la vitalité d’un art. Écoles et cénacles n’en expriment qu’une mode superficielle ou des théories fabriquées. Mais les indépendants, qui se retirent en eux-mêmes, ont plus de chances d’y trouver la pensée véritable de leur temps et de leur race. Il est vrai que, par là, ils sont pour un étranger plus difficiles encore à comprendre que les autres.

Ce fut ce qui arriva, quand Christophe entendit pour la première fois cette œuvre fameuse, dont les Français disaient mille extravagances, et que certains proclamaient la plus grande révolution musicale, qui eût été accomplie depuis dix siècles. — (Les siècles ne leur coûtaient guère : ils sortaient peu du leur.)

Théophile Goujart et Sylvain Kohn menèrent Christophe à l’Opéra-Comique, pour entendre Pelléas et Mélisande. Ils étaient tout glorieux de lui montrer cette œuvre ; on eût dit qu’ils l’avaient

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