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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

— Ah ! ça, qu’est-ce que vous avez ? Vous êtes malades ?

Sylvain Kohn se mit à rire, et dit :

— C’est de l’art.

Christophe haussa les épaules :

— Vous vous moquez de moi.

Kohn rit de plus belle :

— En aucune façon. Voyez plutôt.

Il montra à Christophe une enquête récente sur l’Art et la Morale, d’où il résultait que « l’Amour sanctifiait tout », que « la Sensualité était le ferment de l’Art », que « l’Art ne pouvait être immoral », que « la morale était une convention d’une éducation jésuitique », et que seule comptait « l’énormité du Désir ». — Une suite de certificats littéraires attestaient dans les journaux la pureté artistique d’un roman qui peignait les mœurs des souteneurs. Certains des répondants étaient des plus grands noms de la littérature contemporaine, ou d’austères critiques. Un poète des familles, bourgeois et catholique, couvrait de sa bénédiction d’artiste une peinture très soignée des mauvaises mœurs grecques. Des réclames lyriques exaltaient des romans, où s’étalait laborieusement la Débauche à travers les âges : Rome, Alexandrie, Byzance, la Renaissance italienne et française, le Grand Siècle… c’était un cours complet. Un autre cycle d’études embrassait les divers pays du globe : des écrivains consciencieux s’étaient consacrés, avec une patience de