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LA FOIRE SUR LA PLACE

le mariage, en lui donnant les allures de la débauche : — le genre gaulois.

L’autre école était modern-style. Elle était beaucoup plus raffinée, plus écœurante aussi. Les Juifs parisianisés et les chrétiens judaïsés, qui foisonnaient au théâtre, y avaient introduit le mic-mac habituel de sentiments, qui est le trait distinctif d’un cosmopolitisme dégénéré. Ces fils qui rougissaient de leur père s’appliquaient à renier la conscience de leur race ; et ils n’y réussissaient que trop. Après avoir dépouillé leur âme séculaire, il ne leur restait plus d’autre personnalité que de mêler, les valeurs intellectuelles et morales des autres peuples ; ils en faisaient une macédoine, une olla podrida : c’était leur façon d’en jouir. Ceux qui étaient alors les maîtres du théâtre à Paris excellaient à battre ensemble l’ordure et le sentiment, à donner à la vertu un parfum de vice, au vice un parfum de vertu, à intervertir toutes les relations d’âge, de sexe, de famille, d’affections. Leur art avait ainsi une odeur sui generis, qui sentait bon et mauvais à la fois, c’est-à-dire très mauvais : ils nommaient cela « amoralisme ».

Un de leurs héros de prédilection était alors le vieillard amoureux. Leur théâtre en offrait une riche galerie de portraits. Ils trouvaient dans la peinture de ce type l’occasion de montrer mille délicatesses. Tantôt le héros sexagénaire avait sa fille pour confidente ; il lui parlait de sa maî-