Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Il y avait des poètes en France. Il y avait même de grands poètes. Mais le théâtre n’était pas pour eux. Il était pour les rimeurs. Le théâtre est à la poésie ce qu’est l’opéra à la musique. Comme disait Berlioz : Sicut amori lupanar.

Christophe vit des princesses courtisanes par vertu, qui mettaient leur honneur à se prostituer, et que l’on comparait au Christ, gravissant le calvaire ; — des amis qui trompaient leur ami, par dévouement pour lui ; — des ménages à trois magnifiés ; — des cocus héroïques : (le type était devenu, comme la sainte prostituée, un article européen ; l’exemple du roi Marke leur avait tourné la tête : comme le cerf de saint Hubert, ils ne se présentaient plus qu’avec une auréole). — Christophe vit aussi des filles galantes, qui étaient partagées entre la passion et le devoir ; la passion était de suivre un nouvel amant ; le devoir était de rester avec l’ancien, un vieux qui leur donnait de l’argent, et que d’ailleurs elles trompaient. À la fin, héroïquement, elles choisissaient le devoir. — Christophe trouvait que ce devoir ne différait pas beaucoup du sordide intérêt ; mais le public

— 120 —