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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

il ne s’intéressait à rien, là-dedans ; quelles que fussent les thèses soutenues tour à tour par les orateurs de Cinna, il lui était parfaitement indifférent que l’une ou l’autre de ces machines à discours l’emportât, à la fin.

Il constatait d’ailleurs que le public français n’était pas de son avis, et qu’il applaudissait ces pièces qui l’ennuyaient. Cela ne contribuait pas à dissiper le malentendu : il voyait ce théâtre au travers du public ; et il reconnaissait dans les Français modernes certains traits, déformés, des classiques. Tel un regard trop lucide qui retrouverait dans le visage flétri d’une vieille coquette les traits fins et purs de sa fille : — (le spectacle est peu propre à faire naître l’illusion amoureuse). — Comme des gens d’une même famille, qui sont habitués à se voir, les Français ne s’apercevaient pas de la ressemblance. Mais Christophe en était frappé, et il l’exagérait : il ne voyait plus qu’elle. L’art qui l’entourait lui semblait offrir des caricatures vieillottes des grands ancêtres ; et les grands ancêtres, à leur tour, lui apparaissaient en caricatures. Il ne distinguait plus Corneille de sa lignée de rhéteurs poétiques, enragés à placer partout des cas de conscience sublimes et absurdes. Et Racine se confondait avec sa suite de petits psychologues parisiens, penchés prétentieusement sur leurs cœurs.

Tous ces gens ne sortaient pas de leurs classiques. Les critiques continuaient indéfiniment