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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

donnant sur de vieux arbres, que la neige poudrait, Christophe trouvait Colette toujours assise devant son piano, ressassant indéfiniment les mêmes phrases, se caressant les oreilles de dissonances moelleuses.

— Ah ! faisait Christophe, en entrant. Voilà la chatte, qui fait encore ronron !

— Malhonnête ! disait-elle, en riant…

(Et elle lui tendait sa main un peu moite).

… Écoutez cela. Est-ce que ce n’est pas joli ?

— Très joli, disait-il, d’un ton indifférent.

— Vous n’écoutez pas !… Voulez-vous bien écouter !

— J’entends… C’est toujours la même chose.

— Ah ! vous n’êtes pas musicien, faisait-elle, avec dépit.

— Comme si c’était de musique qu’il s’agissait !

— Comment ! ce n’est pas de musique ?… Et de quoi, s’il vous plaît ?

— Vous le savez très bien ; et je ne vous le dirai pas, parce que ce ne serait pas convenable.

— Raison de plus pour le dire.

— Vous le voulez ?… Tant pis pour vous !… Eh bien, savez-vous ce que vous faites avec votre piano ?… Vous flirtez.

— Par exemple !

— Parfaitement. Vous lui dites : « Cher piano, cher piano, dis-moi des gentils mots, encore, caresse-moi, donne-moi un petit baiser ! »

— Mais voulez-vous vous taire ! dit Colette,