Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/173

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Pourtant, jamais Christophe n’eût en la moindre illusion sur cette amitié de salon, jamais la moindre intimité ne se fût établie entre eux, sans les confidences que Colette lui fit, un jour, autant par surprise que par instinct de séduction.

La veille, il y avait eu réception chez ses parents. Elle avait ri, bavardé, flirté comme une enragée ; mais, le matin suivant, quand Christophe vint lui donner sa leçon, elle était lasse, les traits tirés, le teint gris, la tête grosse comme le poing. Elle dit à peine quelques mots ; elle avait l’air éteinte. Elle se mit au piano, joua mollement, rata ses traits, essaya de les refaire, les rata encore, s’interrompit brusquement, et dit :

— Je ne peux pas… Je vous demande pardon… Voulez-vous, attendons un peu…

Il lui demanda si elle était souffrante. Elle répondit que non :

« Elle n’était pas bien disposée… Elle avait des moments comme cela… C’était ridicule, il ne fallait pas lui en vouloir. »

Il lui proposa de revenir, un autre jour ; mais elle insista pour qu’il restât :

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