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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

— Un instant seulement… Tout à l’heure, ce sera mieux, peut-être… Comme je suis bête, n’est-ce pas ?

Il sentait bien qu’elle n’était pas dans son état normal ; mais il ne voulut pas la questionner ; et, pour parler d’autre chose, il dit :

— Voilà ce que c’est d’avoir été si brillante, hier soir ! Vous vous êtes trop dépensée.

Elle eut un petit sourire ironique :

— On ne peut pas vous en dire autant, répondit-elle.

Il rit franchement.

— Je crois que vous n’avez pas dit un mot, reprit-elle.

— Pas un.

— Il y avait pourtant là des gens intéressants.

— Oui, de fameux bavards, des gens d’esprit. Je suis perdu au milieu de vos Français désossés, qui comprennent tout, qui expliquent tout, qui excusent tout, — qui ne sentent rien. Des gens qui parlent, pendant des heures, d’amour et d’art ! N’est-ce pas écœurant ?

— Cela devrait pourtant vous intéresser : l’art, sinon l’amour.

— On ne parle pas de ces choses : on les fait.

— Mais quand on ne peut pas les faire ? dit Colette, avec une petite moue.

Christophe répondit, en riant :

— Alors, laissez cela à d’autres. Tout le monde n’est pas fait pour l’art.