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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

comme elle curieuses des potins de Paris. Elles discutaient ensemble à perte de vue sur l’amour. La psychologie amoureuse : c’était là l’éternel sujet, avec la toilette, les indiscrétions, les médisances. Elle avait aussi son cercle de petits jeunes gens oisifs, qui avaient besoin de passer deux ou trois heures par jour au milieu des jupes, et qui eussent pu en porter : car ils avaient des âmes et des conversations de filles. Christophe avait son heure : l’heure du confesseur. Colette, instantanément, se faisait grave et recueillie. Elle était comme la jeune Française, dont parle Bodley, qui, au confessionnal, « développait un thème tranquillement préparé, modèle d’ordonnance lumineuse et de clarté, où tout ce qui devait être dit était rangé en bon ordre, et classé en catégories distinctes. » — Après quoi, elle s’amusait de plus belle. À mesure que la journée s’avançait, elle redevenait plus jeune. Le soir, on allait au théâtre ; et c’était l’éternel plaisir de reconnaître dans la salle les mêmes éternelles figures ; — le plaisir, non de la pièce qu’on jouait, mais des acteurs qu’on connaissait, et dont on relevait, une fois de plus, les travers bien connus. On échangeait avec ceux qui venaient vous voir dans votre loge des méchancetés sur ceux qui étaient dans les autres loges, ou bien sur les actrices. On trouvait que l’ingénue avait un filet de voix « comme une mayonnaise tournée », ou que la grande comédienne était habillée « comme un abat-jour ». —