Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/181

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À partir de ce jour, ils eurent régulièrement des entretiens intimes. Ils étaient seuls ensemble : elle lui confiait ce qu’elle voulait ; il se donnait beaucoup de mal pour la comprendre et pour la conseiller ; elle écoutait les conseils, au besoin les remontrances, gravement, attentivement, comme une fillette bien sage : cela la distrayait, l’intéressait, la soutenait même ; elle le remerciait d’une œillade émue et coquette. — Mais à sa vie rien n’était changé : il n’y avait qu’une distraction de plus.

Sa journée était une suite de métamorphoses. Elle se levait excessivement tard, vers midi. Elle avait eu des insomnies ; elle ne s’endormait guère qu’à l’aube. De tout le jour, elle ne faisait rien. Elle ressassait indéfiniment un vers, une idée, un lambeau d’idée, un souvenir de conversation, une phrase musicale, l’image d’une figure qui lui avait plu. Elle n’était tout à fait éveillée qu’à partir de quatre ou cinq heures du soir. Jusque-là, elle avait les paupières lourdes, le visage gonflé, l’air boudeur, endormi. Elle se ranimait, quand venaient quelques bonnes amies, bavardes comme elle, et

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