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Christophe voyait chez Achille Roussin d’autres hommes politiques, ministres de la veille ou du lendemain. Avec chacun d’eux, individuellement, il aurait eu assez de plaisir à causer, si ces illustres personnages l’en avaient jugé digne. Au contraire de l’opinion généralement répandue, il trouvait leur société plus intéressante que celle des autres Français qu’il connaissait. Ils avaient une intelligence plus vivante, plus ouverte aux passions et aux grands intérêts de l’humanité. Causeurs brillants, méridionaux pour la plupart, ils étaient étonnamment dilettantes ; pris à part, ils l’étaient presque autant que les hommes de lettres. Bien entendu, ils étaient fort ignorants de l’art, surtout de l’art étranger ; mais ils prétendaient tous plus ou moins s’y connaître ; et souvent, ils l’aimaient vraiment. Il y avait des Conseils de ministres, qui ressemblaient à des cénacles de petites Revues. L’un faisait des pièces de théâtre. L’autre raclait du violon, et était un enragé wagnérien. L’autre gâchait de la peinture. Et tous collectionnaient les tableaux impressionnistes, lisaient les livres décadents,

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