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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

Pensée avait élevé une statue, un enfant du peuple et le premier champion de la France contre Rome (l’église de). Les ministres de la marine, pour purifier la flotte et témoigner leur horreur de la guerre, nommaient leurs cuirassés, Descartes et Ernest Renan. D’autres libres esprits s’attachaient à purifier l’art. Ils expurgeaient les classiques du xviie siècle, et ne permettaient pas que le nom de Dieu souillât les Fables de La Fontaine. Ils ne l’admettaient pas plus dans la musique ancienne ; et Christophe entendit un d’eux, un vieux radical, — ( « Être radical dans sa vieillesse, dit Goethe, c’est le comble de toute folie » ) — qui s’indignait qu’on eût osé donner dans un concert populaire les lieder religieux de Beethoven. Il exigeait qu’on mît d’autres paroles à la place.

— Quoi ? demanda Christophe, exaspéré. La République ?

D’autres, plus radicaux encore, n’acceptaient point ces compromis, et voulaient qu’on supprimât purement et simplement toute musique religieuse, et les écoles où on l’apprenait. En vain, un directeur des Beaux-Arts, qui dans cette Béotie passait pour un Athénien, essayait d’expliquer qu’il fallait pourtant apprendre la musique aux musiciens : car, disait-il, avec une grande élévation de pensée, « quand vous envoyez un soldat à la caserne, vous lui apprenez progressivement à se servir de son fusil et à tirer.