Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/22

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Il décida, le matin même, de faire les premières démarches. Il connaissait deux seules personnes à Paris, deux jeunes gens de son pays : son ancien ami, Otto Diener, qui était associé à un oncle, marchand de draps, dans le quartier du Mail ; et un petit Juif de Mayence, Sylvain Kohn, qui devait être employé dans une grande maison de librairie, dont il n’avait pas l’adresse.


Il avait été très intime avec Diener, vers quatorze ou quinze ans[1]. Il avait eu pour lui une de ces amitiés d’enfance, qui devancent l’amour, et qui sont déjà de l’amour. Diener aussi l’avait aimé. Ce gros garçon timide et compassé avait été séduit par la fougueuse indépendance de Christophe ; il s’était évertué à l’imiter, d’une façon ridicule : ce qui irritait Christophe et le flattait. Alors ils faisaient des projets qui bouleversaient le monde. Puis Diener avait voyagé, pour son éducation commerciale, et ils ne s’étaient plus revus ; mais Christophe avait parfois de ses

  1. Voir Jean-Christophe, II. Le Matin.
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