Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/221

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Roussin n’était pas un des pires. Combien d’autres dans le parti faisaient du socialisme ou du radicalisme, — on ne pouvait même pas dire, par ambition, tant cette ambition était à courte vue, n’allait pas plus loin que le pillage immédiat et leur réélection ! Ces gens avaient l’air de croire en une société nouvelle. Peut-être y avaient-ils cru jadis ; et ils continuaient de jouer la foi ; mais, en fait, ils ne pensaient plus qu’à vivre sur les dépouilles de la société qui mourait. Un opportunisme myope était au service de ce nihilisme jouisseur. Les grands intérêts de l’avenir étaient sacrifiés à l’égoïsme de l’heure présente. On démembrait l’armée, on eût démembré la patrie pour plaire aux électeurs. Ce n’était point l’intelligence qui manquait : on se rendait bien compte de ce qu’il eût fallu faire ; mais on ne le faisait point, parce qu’il en eût coûté trop d’efforts, et que l’on n’était plus capable d’efforts. On voulait arranger sa vie et celle de la nation avec le minimum de peine et de sacrifice. Du haut en bas de l’échelle, c’était la même morale du plus de plaisir possible avec le moins d’efforts

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