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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/25

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13
LA FOIRE SUR LA PLACE

homme se détacha du groupe, et dit en allemand :

— Monsieur Diener est sorti.

— Sorti ? Pour longtemps ?

— Je crois. Il vient de sortir.

Christophe réfléchit un instant ; puis il dit :

— Très bien. J’attendrai.

L’employé, surpris, se hâta d’ajouter :

— C’est qu’il ne rentrera peut-être pas avant deux ou trois heures.

— Oh ! cela ne fait rien, répondit Christophe avec placidité. Je n’ai rien à faire à Paris. Je puis attendre, tout le jour, s’il le faut.

Le jeune homme le regarda avec stupéfaction, croyant qu’il plaisantait. Mais Christophe ne songeait déjà plus à lui. Il s’était assis tranquillement dans un coin, le dos tourné à la rue ; et il semblait prêt à y camper.

Le commis retourna au fond du magasin, et chuchota avec ses collègues ; ils cherchaient, avec une consternation comique, un moyen de se débarrasser de l’importun.

Après quelques minutes d’incertitude, la porte du bureau s’ouvrit. Monsieur Diener parut. Il avait une large figure rouge, balafrée sur la joue et le menton d’une cicatrice violette, la moustache blonde, les cheveux aplatis, avec une raie sur le côté, un lorgnon d’or, des boutons d’or à son plastron de chemise, et des bagues à ses gros doigts. Il tenait son chapeau et son parapluie. Il