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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

cousine, décolletée, entrer dans la loge où elle était et attirer tous les regards, elle avait un bon sourire, humble, affectueux, débordant d’amour ; et son cœur se fondait, lorsque Colette lui adressait la parole. En robe blanche, ses beaux cheveux noirs défaits et bouffants sur ses épaules brunes, mordillant le bout de ses longs gants de fil blanc, dans l’ouverture desquels elle fourrait le doigt par désœuvrement, — à tout instant, pendant le spectacle, elle se retournait vers Colette, pour quêter un regard amical, pour partager le plaisir qu’elle ressentait, pour dire de ses yeux bruns et limpides :

— Je vous aime bien.

En promenade, dans les bois, aux environs de Paris, elle marchait dans l’ombre de Colette, s’asseyait à ses pieds, courait devant ses pas, arrachait les branches qui auraient pu la gêner, posait des pierres au milieu de la boue. Et, un soir que Colette, frileuse, au jardin, lui demanda son fichu, elle poussa un rugissement de plaisir. — dont elle fut honteuse après, — du bonheur que la bien-aimée s’enveloppât d’un peu d’elle, et le lui rendît ensuite, tout imprégné du parfum de son corps.

Il y avait aussi des livres, certaines pages des poètes, lues en cachette, — (car on continuait de lui donner des livres d’enfant), — qui lui causaient des troubles délicieux. Et, plus encore, certaines musiques, bien qu’on lui dît qu’elle n’y pouvait rien comprendre ; et elle se persuadait qu’elle