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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

vacances ; et il était malaisé de trouver d’autres élèves. Le seul qu’il eût était un ingénieur, intelligent et braque, qui s’était mis en tête, à quarante ans, de devenir un grand violoniste. Christophe ne jouait pas très bien du violon ; mais il en savait toujours plus que son élève ; et, pendant quelque temps, il lui donna trois heures de leçons par semaine, à deux francs l’heure. Mais, au bout d’un mois et demi, l’ingénieur se lassa, découvrant tout à coup que sa vocation principale était pour la peinture. — Le jour qu’il fit part de cette découverte à Christophe, Christophe rit beaucoup : mais, quand il eut bien ri, il fit le compte de ses finances, et constata qu’il avait juste en poche les douze francs, que son élève venait de lui payer, pour ses dernières leçons. Cela ne l’émut point ; il se dit seulement qu’il allait falloir décidément se mettre en quête d’autres moyens d’existence : recommencer les courses auprès des éditeurs. Ce n’était pas réjouissant… Pff !… Il était inutile de s’en tourmenter à l’avance. Aujourd’hui, il faisait beau. Il s’en alla à Meudon.

Il avait une fringale de marche. La marche faisait lever en lui des moissons de musique. Il en était plein, comme une ruche de miel ; et il riait au bourdonnement doré de ses abeilles. C’était, à l’ordinaire, une musique qui modulait beaucoup. Et des rythmes bondissants, insistants, hallucinants… Allez donc créer des rythmes, quand vous