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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

Christophe l’interrompit avec mépris :

— Je ne te demande pas d’argent.

Diener fut décontenancé. Christophe continua :

— Tes affaires vont bien ? Tu as une belle clientèle ?

— Oui, oui, pas mal, Dieu merci… dit prudemment Diener. (Il se méfiait.)

Christophe lui lança un regard furieux, et reprit :

— Tu connais beaucoup de monde dans la colonie allemande ?

— Oui.

— Eh bien, parle de moi. Ils doivent être musiciens. Ils ont des enfants. Je donnerai de leçons.

Diener prit un air embarrassé.

— Qu’est-ce encore ? fit Christophe. Est-ce que tu doutes par hasard que j’en sache assez pour un pareil métier ?

Il demandait un service, comme si c’était lui qui le rendait. Diener, qui n’eût jamais rien fait pour Christophe que pour avoir le plaisir de le sentir son obligé, était bien résolu à ne pas remuer un doigt pour lui.

— Tu en sais mille fois plus qu’il n’en faut… Seulement…

— Eh bien ?

Eh bien, c’est difficile, très difficile, vois-tu, à cause de ta situation.

— Ma situation ?