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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 5.djvu/33

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LA FOIRE SUR LA PLACE

décider à lâcher Christophe. On eût dit qu’il retrouvait son meilleur ami. Christophe, interloqué, se demandait si Kohn se moquait de lui. Mais Kohn ne se moquait pas. Ou bien, s’il se moquait, ce n’était pas plus qu’à l’ordinaire. Kohn n’avait pas de rancune : il était trop intelligent pour cela. Il y avait beau temps qu’il avait oublié les mauvais traitements de Christophe ; et, s’il s’en était souvenu, il ne s’en fût guère soucié. Il était ravi de cette occasion de se faire voir à un ancien camarade dans l’importance de ses fonctions nouvelles et l’élégance de ses manières parisiennes. Il ne mentait pas, en disant sa surprise : la dernière chose du monde, à laquelle il se fût attendu, était bien une visite de Christophe ; et s’il était trop avisé pour ne pas savoir d’avance qu’elle avait un but intéressé, il était des mieux disposés à l’accueillir, par ce seul fait qu’elle était un hommage rendu à son pouvoir.

— Et vous venez du pays ? Comment va la maman ? demandait-il, avec une familiarité, qui, à d’autres instants, eût choqué Christophe, mais qui lui faisait du bien, maintenant, dans cette ville étrangère.

— Mais comment se fait-il, demanda Christophe, encore un peu soupçonneux, qu’on m’ait répondu tout à l’heure que Monsieur Kohn n’était pas là ?

— Monsieur Kohn n’est pas là, dit Sylvain Kohn, en riant. Je ne me nomme plus Kohn. Je m’appelle Hamilton.