Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 6.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

144
JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

d’écouter. Enfin, ils sortirent ; et Antoinette resta seule. Alors elle pleura : quelque chose était mort en elle ; l’image idéale qu’elle se faisait de son frère, — de son enfant, — était souillée : c’était pour elle une souffrance mortelle. Elle ne lui en dit rien, quand ils se retrouvèrent, le soir. Il vit qu’elle avait pleuré, et il ne put savoir pourquoi. Il ne comprit pas pourquoi elle avait changé de manières à son égard. Il fallut quelque temps, avant qu’elle se ressaisît.

Mais le coup le plus douloureux qu’il lui porta, ce fut un soir qu’il ne rentra pas. Elle l’attendit toute la nuit, sans se coucher. Elle ne souffrait pas seulement dans sa pureté morale ; elle souffrait jusque dans les retraites les plus mystérieuses de son cœur, — ces retraites profondes, où s’agitent des sentiments redoutables, sur lesquels elle jetait, pour ne pas voir, un voile, qu’il n’est pas permis d’écarter.