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ANTOINETTE

Olivier avait voulu surtout affirmer son indépendance. Il revint, au matin, se composant une attitude, prêt à répondre insolemment à sa sœur, si elle lui faisait une observation. Il se glissa dans l’appartement, sur la pointe des pieds, pour ne pas l’éveiller. Mais, quand il la vit, debout, l’attendant, pâle, les yeux rouges, ayant pleuré, quand il vit qu’au lieu de lui faire le moindre reproche, elle s’occupait de lui en silence, préparait son déjeuner, avant son départ pour le lycée, et qu’elle ne lui disait rien, mais qu’elle semblait accablée, et que tout son être était un reproche vivant, il n’y résista pas : il se jeta à ses genoux, il se cacha la tête dans sa robe ; et ils pleurèrent tous deux. Il était honteux de lui, dégoûté de la nuit qu’il venait de passer ; il se sentait avili. Il voulut parler : elle l’empêcha de parler, lui mettant la main sur la bouche ; et il baisa cette main. Ils ne dirent rien de plus : ils se comprenaient.