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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

— Cher Christophe, dit Olivier, ton Allemagne nous a fait bien souffrir.

Et Christophe s’excusait presque, comme s’il en était cause.

— Ne t’afflige pas, va, dit Olivier, souriant. Le bien qu’elle nous a fait, sans le vouloir, est plus grand que le mal. C’est vous qui avez fait reflamber notre idéalisme, c’est vous qui avez ranimé chez nous les ardeurs de la science et de la foi, c’est vous qui avez fait couvrir d’écoles notre France, c’est vous qui avez surexcité les puissances de création d’un Pasteur, dont les seules découvertes ont suffi à combler votre rançon de guerre de cinq milliards, c’est vous qui avez fait renaître notre poésie, notre peinture, notre musique ; c’est à vous que nous devons le réveil de la conscience de notre race. On est bien récompensé de l’effort qu’on a dû faire de préférer sa foi au bonheur : car on a pris ainsi le sentiment d’une telle force morale, parmi l’apathie du monde, qu’on finit par ne plus douter, même de la victoire. Si peu que nous soyons, vois-tu, mon bon Christophe, et si faibles que nous paraissions, — une goutte d’eau au milieu de l’océan de la force allemande, — nous croyons que ce sera la goutte d’eau qui colorera l’océan tout entier. La phalange macédonienne enfoncera les massives armées de la plèbe européenne.

Christophe regarda le chétif Olivier, dont les regards brillaient de foi :