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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/124

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La situation était rude. Leurs ressources étaient presque nulles. Christophe avait tout juste les travaux de copies et de transcriptions musicales, commandés par Hecht. Olivier avait imprudemment donné sa démission de l’Université, dans la période de découragement qui avait suivi la mort de sa sœur et qu’avait encore accru une expérience douloureuse d’amour dans le monde de Mme Nathan : — (il n’en avait jamais parlé à Christophe, car il avait la pudeur de ses peines ; un de ses charmes était qu’il conservait toujours un peu de mystère intime, même avec son ami, à qui il ne cherchait pourtant à rien cacher). — Dans cet état d’affaissement moral où il avait faim de silence, sa tâche de professeur lui était devenue intolérable. Il n’avait jamais eu de goût pour ce métier, où il faut s’étaler, dire tout haut sa pensée, où l’on n’est jamais seul. Le professorat de lycées exige, pour avoir quelque noblesse, une vocation d’apostolat, qu’Olivier ne possédait point ; et le professorat de Facultés impose un contact perpétuel avec le public, qui est douloureux aux âmes éprises de solitude, comme l’était

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