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DANS LA MAISON

froidement, avec la lasse et lourde ironie d’un corps éteint et rassasié.

Enfin, l’œuvre parut. Olivier avait tant attendu, que cela ne lui fit plus aucun plaisir : c’était une chose morte pour lui. Toutefois, il espérait qu’elle serait encore vivante pour les autres. Il y avait là des éclairs de poésie et d’intelligence, qui ne pouvaient rester inaperçus. Elle tomba dans le silence absolu. — Il fit encore un ou deux essais, par la suite. Étant libre de tout clan, il trouva toujours le même silence, ou de l’hostilité. Il n’y comprenait rien. Il avait cru bonnement que le sentiment naturel de chacun devait être la bienveillance, à l’égard de toute œuvre nouvelle, même si elle n’était pas très bonne. Cela représente tant de travail, toujours ! et l’on doit être reconnaissant à celui qui a voulu apporter aux autres un peu de beauté, un peu de force, un peu de joie. Or, il ne rencontrait qu’indifférence ou dénigrement. Il savait pourtant qu’il n’était pas le seul à sentir ce qu’il avait écrit, qu’il y avait d’autres braves gens qui le pensaient. Mais il ne savait pas que ces braves gens ne le lisaient pas, et qu’ils n’avaient aucune part à l’opinion littéraire, ni à rien, ni à rien. S’il s’en trouvait deux ou trois, de-ci, de-là, sous les yeux desquels ses lignes étaient parvenues, et qui sympathisaient avec lui, jamais ils ne le lui diraient ; ils restaient guindés dans leur silence, aplatis. De même qu’ils ne votaient pas, ils s’abs-