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DANS LA MAISON

qui râle dans votre décadence française… Ici, la bête ; et là, la proie. Où, l’homme ?… Votre Debussy est le génie du bon goût ; Strauss, le génie du mauvais. Le premier est bien fade. Mais le second est bien déplaisant. L’un, un filet d’eau argentée et stagnante, qui se perd dans les roseaux et qui dégage un arôme de fièvre. L’autre, un flot puissant et bourbeux… ah ! le relent de bas italianisme, de néo-Meyerbeerisme, les ordures de sentiment qui roulent dans ce torrent !… Un chef-d’œuvre odieux !… Salomé, fille d’Ysolde… Et de qui Salomé sera-t-elle mère, à son tour ?

— Oui, dit Olivier, je voudrais être de cinquante ans en avant. Il faudra bien que cette course à l’abîme finisse, d’une façon ou de l’autre : ou que le cheval s’arrête, ou qu’il tombe. Alors, nous respirerons. Dieu merci, la terre ne cessera pas de fleurir, ni le ciel de rayonner, avec ou sans musique. Qu’avons-nous à faire d’un art aussi inhumain !… L’Occident se brûle… Bientôt… Bientôt… Je vois déjà d’autres lumières qui se lèvent, au fond de l’Orient.

— Laisse-moi tranquille avec ton Orient ! dit Christophe. L’Occident n’a pas dit son dernier mot. Crois-tu que j’abdique, moi ? J’en ai encore pour des siècles. Vive la vie ! Vive la joie ! Vive le courage qui nous lance au combat contre notre destin ! Vive l’amour, qui nous gonfle le cœur ! Vive l’amitié, qui réchauffe notre foi, — l’amitié, plus douce que l’amour ! Vive le jour ! Vive la