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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

connaître les Français, plus il était frappé des ressemblances entre les braves gens de France et ceux d’Allemagne. Les Arnaud lui rappelaient son cher vieux Schulz, avec son amour si pur, si désintéressé de l’art, son oubli de soi-même, sa dévotion au beau. Et il les aimait, en souvenir de lui.


En même temps qu’il découvrait l’absurdité des frontières morales entre les bonnes gens des races différentes, Christophe sentait l’absurdité des frontières entre les pensées différentes des bonnes gens d’une même race. Grâce à lui, et sans qu’il l’eût cherché, deux des hommes qui semblaient le plus loin de se comprendre, l’abbé Corneille et M. Watelet, avaient fait connaissance.

Christophe leur empruntait des livres à tous deux, et, avec un sans-gêne qui choquait Olivier, il les prêtait de l’un à l’autre. L’abbé Corneille n’en était pas scandalisé ; il avait l’intuition des âmes ; et, sans en avoir l’air, il lisait dans celle de son jeune voisin tout ce qu’elle avait de généreux, et même, à son insu, de religieux. Un volume de Kropotkine, emprunté à M. Watelet, et qu’ils aimaient tous les trois, pour des raisons diverses, commença le rapprochement. Le hasard fit qu’ils se trouvèrent ensemble, un jour, chez Christophe. Christophe craignait d’abord quelque parole désobligeante entre ses hôtes. Tout au contraire,