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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/195

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DANS LA MAISON

ils se témoignèrent une courtoisie parfaite. Ils causèrent de sujets sans danger : de leurs voyages, de leur expérience des hommes. Et ils se découvrirent tous deux pleins de mansuétude, d’esprit évangélique, d’espérances chimériques, malgré tant de raisons de désespérer. Ils se prirent l’un pour l’autre d’une sympathie, mêlée de quelque ironie. Sympathie très discrète. Jamais ils n’abordaient ensemble le fond de leurs croyances. Ils se voyaient rarement, et ne le cherchaient point ; mais quand ils se rencontraient, ils avaient plaisir à se voir.

Des deux, le moins indépendant d’esprit n’était pas l’abbé Corneille. Christophe ne s’y fût pas attendu. Il apercevait peu à peu la grandeur de cette pensée religieuse et libre, ce puissant et serein mysticisme, sans fièvre, qui pénétrait toutes les pensées du prêtre, tous les actes de sa vie journalière, tout le spectacle de l’univers, — qui le faisait vivre en Christ, comme, d’après sa croyance. Christ avait vécu en Dieu.

Il ne niait rien, nulle force de vie. Pour lui, toutes les Écritures, anciennes et modernes, religieuses et laïques, de Moïse à Berthelot, étaient certaines, étaient divines, étaient l’expression de Dieu. L’Écriture Sainte en était seulement l’exemplaire le plus riche, comme l’Église était l’élite la plus haute des frères unis en Dieu ; mais ni l’une ni l’autre n’enfermait l’esprit dans une vérité immobile. Le christianisme, c’était Christ vivant.