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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/218

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Christophe avait entrepris le combat contre cette inertie, qu’il retrouvait chez la plupart de ses amis Français, bizarrement accouplée à une activité laborieuse et très souvent fiévreuse. Presque tous ceux qu’il voyait, dans les divers milieux bourgeois où il allait, étaient des mécontents. Presque tous avaient le même dégoût pour les maîtres du jour et pour leur pensée corrompue. Presque tous, la même conscience triste et fière de l’âme trahie de leur race. Et ce n’était pas le fait de rancunes personnelles, l’amertume d’hommes et de classes vaincus, évincés du pouvoir et de la vie active, fonctionnaires révoqués, énergies sans emploi, vieille aristocratie retirée sur ses terres et se cachant pour mourir, comme un lion blessé. C’était un sentiment de révolte morale, sourd, profond, général : on le rencontrait partout, à des degrés divers, dans l’armée, dans la magistrature, dans l’Université, dans les bureaux, dans tous les rouages vitaux de la machine gouvernementale. Mais ils n’agissaient pas. Ils étaient découragés d’avance ; ils répétaient :

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