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Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 7.djvu/219

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DANS LA MAISON

— Il n’y a rien à faire ;

ou :

— Tâchons de n’y plus penser.

Ils détournaient peureusement des choses tristes leur pensée, leurs propos ; et ils cherchaient un refuge dans la vie domestique.

Si encore ils ne s’étaient retirés que de l’action politique ! Mais même dans le cercle de son action journalière, chacun de ces honnêtes gens se désintéressait d’agir. Ils toléraient des promiscuités avilissantes avec des misérables qu’ils méprisaient, mais contre qui ils se gardaient bien d’engager la lutte, la jugeant d’avance inutile. Pourquoi ces artistes par exemple, et notamment ces musiciens que Christophe voyait de plus près, supportaient-ils sans protester l’effronterie de tels Scaramouches de la presse, qui leur faisaient la loi ? Il y avait là tels ânes bâtés, dont l’ignorance in omni re scibili était proverbiale, et qui n’en étaient pas moins investis d’une autorité souveraine in omni re scibili. Ils ne se donnaient même pas la peine d’écrire leurs articles, ni leurs livres ; ils avaient des secrétaires, de pauvres gueux affamés, qui eussent vendu leur âme, s’ils en avaient eu une, pour du pain et des filles. Ce n’était un secret pour personne, à Paris. Et cependant, ils continuaient de trôner et de traiter de haut en bas les artistes. Christophe en criait de rage, quand il lisait certaines de leurs chroniques.