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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

Christophe lui nomma M. Weil, — (le commandant s’exclama), — et les Elsberger, — (il sursauta) :

— Ce Juif, ces Dreyfusards ?

— Dreyfusards ? dit Christophe, eh bien, qu’est-ce que cela fait ?

— Ce sont eux qui ont perdu la France.

— Ils l’aiment autant que vous.

— Alors, ce sont des toqués, des toqués malfaisants.

— Ne peut-on rendre justice à ses adversaires ?

— Je m’entends parfaitement avec des adversaires loyaux, qui combattent à armes égales. La preuve, c’est que je cause avec vous, monsieur l’Allemand. J’estime les Allemands, tout en souhaitant de leur rendre un jour, avec usure, la raclée que nous en avons reçue. Mais les autres, les ennemis du dedans, ce n’est pas la même chose : ils usent d’armes malhonnêtes, de sophismes, d’idéologies malsaines, d’humanitarisme empoisonné…

— Oui, vous êtes dans l’état d’esprit des chevaliers du moyen âge, qui se sont trouvés, pour la première fois, en présence de la poudre à canon. Que voulez-vous ? La guerre évolue.

— Soit. Mais alors, soyons francs, et disons que c’est la guerre.

— Supposez qu’un ennemi commun menace la civilisation de l’Europe, est-ce que vous ne vous allieriez pas aux Allemands ?